Le Nigéria en dessous des attentes du FMI malgré sa CBDC

Première économie du continent, le Nigéria a mis en place plusieurs mesures pour booster l’inclusion financière. Après avoir combattu les cryptomonnaies, le pays a lancé une monnaie numérique de la Banque Centrale en Octobre 2021. Plus d’un an après, ces mesures n’ont pas renforcé l’inclusion financière estime le Fonds Monétaire International. Par ailleurs, le FMI note la hausse du taux d’inflation, la pénurie continue de devises étrangères et la spéculation sur le marché de change. Une preuve de plus que la CBDC est très limitée en beaucoup d’égards.

36% des Nigérians exclus des services financiers

Dans le cadre de ses consultations annuelles, le Fonds Monétaire International (FMI) a effectué une mission d’évaluation économique au Nigéria. Le rapport d’évaluation publié à l’issue de cette mission d’évaluation relève quelques points saignants !

En matière d’inclusion financière, le Fonds Monétaire note une progression régulière mais lente au Nigéria.

Le rapport note notamment que les Nigérians n’ayant pas accès aux services financiers représentent 36 % de la population du pays. C’est largement au-delà des objectifs d’inclusion financière.

Le Nigeria continue d’être en deçà de ses objectifs d’inclusion, notamment en matière d’accès aux produits financiers… Le taux d’exclusion financière à 36 % reste élevé. 

Rapport du FMI

Pour renforcer l’inclusion financière, le Fonds Monétaire International a formulé trois recommandations à l’égard des autorités nigérianes :

  1. L’augmentation du nombre d’agents bancaires dans les régions rurales ;
  2. Le renforcement des formations plus ciblées sur l’utilisation des produits financiers ;
  3. L’accessibilité de l’eNaira (la CBDC du Nigéria) à la population non bancarisée.

La faible inclusion n’est pas le seul indicateur de la mauvaise santé économique du Nigéria. Le FMI note également la hausse de l’inflation ainsi que la forte spéculation sur le marché. 

Inflation galopante et spéculation sur le marché

Selon le FMI, l’économie nigériane a été durement frappée par l’inflation cette année. Malgré la croissance de la production à 3,4 % au second trimestre 2022, l’inflation dans le pays a atteint 21,1 % en Octobre 2022. Cela n’était plus arrivé depuis … 17 ans.

Cette forte inflation a entraîné la hausse des prix sur le marché.

Par ailleurs, une autre conséquence de cette forte inflation est la diversification du taux de change sur le marché. En effet, la Central Bank of Nigéria fixe la valeur du dollar américain à près de 450 Nairas. Pourtant, dans la pratique, de nombreux nigérians doivent payer jusqu’à 900 Nairas pour s’approvisionner en billet vert. 

Pour évoluer vers un taux de change unifié, le FMI recommande à la Central Bank of Nigéria de se retirer du marché de change au profit des banques. Cette recommandation pourrait ne pas être bien perçue par la CBN. En effet, la Central Bank of Nigéria a pris des mesures conservatrices anti-crypto. Pour la plupart, ces mesures n’ont pas été bénéfiques à l’économie du pays et ses citoyens.

La très conservatrice Central Bank of Nigeria brade l’économie du Nigéria

Ces derniers mois, les mesures prises par la Central Bank of Nigeria ont largement préjudicié l’économie du pays.

En février 2021, la CBN a notamment demandé aux banques du pays de geler les comptes des utilisateurs du Bitcoin dans le pays. Ces restrictions ont négativement affecté l’économie du Nigéria sans compromettre l’adoption de la cryptomonnaie.

En effet, dans un rapport publié en partenariat avec l’ONU et la Banque mondiale, l’OCDE indique que les restrictions imposées aux utilisateurs de la cryptomonnaie au Nigéria ont entraîné la réduction des investissements directs étrangers (IDE) dans les Fintechs.

Cocasse dans un pays où ce secteur est un catalyseur d’emplois et d’opportunités économiques pour des millions des jeunes. Le rapport fait également savoir que les utilisateurs des cryptomonnaies au Nigéria ont contourné les restrictions de la Central Bank of Nigéria. Ils ont pour la plupart eu recours aux moyens d’accès non contrôlés par l’Etat. Cela a donc entraîné des pertes fiscales importantes pour le pays.

Une autre décision tout aussi inefficace que dangereuse de la Central Bank of Nigéria est le lancement en octobre 2021 de l’eNaira, la monnaie numérique du pays.

Cette CBDC avait entre autres pour objectif de renforcer l’inclusion financière du pays.

L’échec flagrant constaté aujourd’hui par le FMI était prévisible.

En août 2022, c’est-à-dire dix mois après le lancement de la monnaie numérique de la banque centrale du Nigéria, seules 840 000 personnes utilisaient l’eNaira. Cela ne représente que près de 1 % de la population adulte du pays.

Paradoxalement, l’intérêt des Nigérians pour le bitcoin est au plus haut. Selon une enquête de l’exchange Kucoin, jusqu’à 33,4 millions d’adultes Nigérians sont détenteurs de cryptomonnaies. Cela représente 35 % de la population adulte du pays, loin derrière le 1 % de ceux qui utilisent l’eNaira. 

L’inclusion financière au Nigéria aurait pu être renforcée si les autorités du pays avaient intégré la cryptomonnaie à l’économie au lieu de lancer une CBDC. Plutôt que de combattre le Bitcoin, le Nigéria devrait combattre les défauts de sa monnaie qui rendent la crypto populaire. C’est notamment l’inflation, les difficultés de transferts des fonds et l’accès limité aux services financiers. Tant que le Naira et sa CBDC ne s’amélioreront pas, les Nigérians se tourneront vers la crypto.